Waldemar Kamer

Mises en scène d'Opéra



Critiques du spectacle

(extraits) --------

Orfeo ed Euridice

(version de Vienne)

OPERA INTERNATIONAL : “une leçon d'humanité, simple et belle”

On peut dire que pour cette oeuvre, véritable manifeste de Gluck, Waldemar Kamer, le metteur en scène, sait esquisser une leçon d'humanité, simple et belle, certainement dans l'optique du compositeur, après tant de complexes machines mythologiques et historiques. Les décors, souvent très beaux, d'Ezio Frigerio, et les costumes de Cordelia Dvorak, concourent amplement à ce résultat, et situent cette tragédie au dénouement heureux, dans une sorte d'époque Renaissance. On saura gré à l'équipe de nous avoir heureusement épargné toute transposition dans l'univers contemporain. Si le chef d'oeuvre de Gluck peut pêcher par un statisme excessif, on reconnaîtra que la mise en scène sait le rompre, avec intelligence et goût, en insufflant vie et mouve­ment permanents aux trois personnages. (...) Marc Minkowski sait traduire, avec un rare bonheur, la modulation douloureuse qui fonde l'humanité de l'oeuvre tout au long de l'opéra.

Claude Glaymann, mai 1996

DE TELEGRAAF : “le public s'est véritablement déchaîné”

Comme le Nederlandse Opera il y a quelques années, le Reisopera s'est penché à son tour sur Orfeo ed Euridice de Gluck. Une plus grande différence n'est guère envisageable. Tandis que le premier spectacle était dominé par une esthétique froide, Waldemar Kamer essaye à Enschede de donner une véritable vie aux personnages et ainsi de rapprocher l'histoire de nous. Il nous parle d'Orphée et de l'amour et non de l'art. Pour une mise en scène c'est un bon point de départ. Le metteur en scène nous emmène au dix-huitième siècle sans que le voyage ne devienne poussiéreux. Les décors de Ezio Frigerio et les costumes de Cordelia Dvorak sont splendides. Waldemar Kamer a été l'assistant de Ursel et Karl-Ernst Herrmann, ce qu'on remarque dans son sens du détail et dans son utilisation d'éclairages sombres, pleins d'atmosphère (signés Vinicio Cheli). Il donne toutes leurs chances aux paroles et à la musique dans une mise en scène honnête sans emphase ni minimalisme. Lors de la première à Enschede le public s'est véritablement déchaîné.

Thiemo Wind, 12 mars 1996 

TROUW : “une musicalité et une inventivité inouïes”

Le public a été particulièrement enthousiaste après la première. Et pour cause. La mise en scène raffinée de Waldemar Kamer et les décors somptueux de Ezio Frigerio harmonisaient parfaitement avec les sons détaillés de la fosse. Elle était occupée par les Amsterdamse Bach Solisten qui jouaient de toutes leurs forces sous la direction de Marc Minkowski. Le chef français avait fait à nouveau un grand nettoyage, la partition brillait comme si Gluck venait tout juste de refermer l'encrier. Ce que Minkowski inventa comme propositions, trilles, phrasés et ornements était d'une musicalité et d'une inventivité inouïes.

Peter van der Lint, 12 mars 1996

VOLKSKRANT : “les idées et valeurs éternelles”

Le poète J. W. Oerlemans parle d'une "musique qui défie la mort", ce qui est probablement la formule la plus concise pour décrire le mythe d'Orphée. A quel degré la musique - et l'art - peuvent-ils nous soutenir quand nous faisons face à notre condition de passager sur cette terre ? Orphée qui peut tenter avec son chant de ramener son amour défunt du royaume de la mort, le manque d'amour et de confiance manifesté par Eurydice à cette occasion, voilà les sujets, chez eux il y a fort longtemps, chez nous aujourd'hui. La réponse est donnée par l'entourage (l'habillage) auquel la mise en scène et la chorégra­phie donnent un sens. Waldemar Kamer construit un drame baroque au Nationale Reisopera, sa représentation est rigou­reuse et stylisée dans ses mouvements et opulente dans son habillement. On retourne à ce que l'opéra était il y a deux siècles et demi, une métaphore de la musique. La manière rigoureuse avec laquelle les Amsterdamse Bach Solisten jouent la musique de Gluck renforce cette impression. Cet Orfeo nous fait sentir les idées et valeurs éternelles, la vieille et indestructible beauté de l'oeuvre de Gluck. Nos oreilles ne se fatiguent pas d'écouter et les yeux pas de voir.

Michael Zeeman, 12 mars 1996

LEEUWARDER COURANT : “nous espérons une reprise”

Splendeurs baroques, danses de cour, symboles, doubles sens et avant tout un chant sublime, voilà Orfeo ed Euridice. Son point le plus fort est la réalisation du trio Kamer-Frigerio-Dvorak qui plaçe de manière intelligente et avec de nombreux doubles sens des éléments symboliques éclairant non seulement le rôle précurseur de l'oeuvre (considéré comme le Reformoper de Gluck) mais aussi le sens profond de la légende d'Orphée. C'est une belle invention d'utiliser la Renaissance comme point de départ et d'arrivée et de placer l'aventure des enfers dans le baroque. On est épataté devant les évocations du mystère de la mort (la licorne), l'universel (la lyre parmi les étoiles) et la recherche de soi-même et de ses rêves (le masque d'Hypnos). Orphée devient ainsi autre chose qu'un perdant pleurnichard, mais un homme universel à la recherche de sens. Cet Orfeo ed Euridice est fascinant et nous espérons une reprise. 

            
Rudolf Nammensma, 25 mars 1996

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Orphée et Eurydice

(version de Paris)

FRANCE CULTURE : “l’Orphée le plus beau, le plus musical”

Que vous dire que ne vous sachiez déjà… [après la revue de presse discutée chaque matin à la radio]. Pour en parler, il faut vous imaginer entrer dans ce Grand Théâtre de Bordeaux, si bellement néoclassique d’allure extérieure grâce au talent de [l’architecte] Victor Louis. Quelques torchères font vibrer les colonnes du péristyle de lumières chaudes. Sur le majestueux escalier, deux danseuses jouent aux pages indisciplinés et indiscrets. Un peu plus haut, des belles accoudées aux arcades du grand foyer, assistent à la toilette d’Eurydice, mais le tout placé à l’heure des splendeurs de Côme Ier de Médicis, en son palais florentin. Teinte dominante, le Bordeaux, des corps splendides se mouvant avec grâce, alors que deux seigneurs, perchés sous la coupole, déversent des flots de pétales de roses. Très esthétiques, mais de bon ton, ce qui sauve de la mièvrerie, quelques notes de luth pour agrémenter le tout. (…)
Des passerelles vont permettre, une fois le public, les musiciens et le chef en place, à tous les participants de la fête de gagner le plateau : c’est bien la cour de Côme de Médicis, alias Orphée lui-même qui dansant durant l’ouverture, se voit arracher Eurydice par deux serviteurs de enfers. Nous avons sauté à pieds joints de l’histoire dans le mythe. (…) J’ai vu beaucoup d’Orphée, voilà certes le plus charmeur et le plus beau. Le plus musical aussi.

Antoine Livio, novembre 1997

DIAPASON : “le ravissement est à son comble”

En invitant cette production néerlandaise, Thierry Fouquet [le directeur de l’Opéra de Bordeaux] a fait un choix heureux. Revenant aux sources de l'opéra, Ezio Frigerio a imaginé le plus beau théâtre de cour italienne dont on puisse rêver, cadre idéal pour la sobre mise en scène de Waldemar Kamer. L'Amour a les traits d'un jeune page et la voix fraîche et claire de Valérie Lecoq. Le timbre charnu de Mireille Delunsch illumine son Eurydice, emblème de la féminité. L'Orphée de Rockwell Blake est éblouissant. Jane Glover insuffle à un orchestre habitué à d'autres musiques le dynamisme qui donne son relief à la partition. Dans la merveilleuse salle de Victor Louis, le ravissement est à son comble.

Michel Parouty, janvier 1998

OPERA INTERNATIONAL : “la grande cohérence de l'équipe”

Ce n'est pas un des moindres paradoxes que l'oeuvre la plus célèbre de Gluck soit plus connue dans sa version de Berlioz, réécrite en 1859 pour le tempérament et le gosier de Pauline Viardot. C'est donc une grande originalité que de nous proposer ici, dans une magnifique production qui vient de Hollande (créée en 1996, mais dans la version viennoise), cette édition parisienne, avec de surcroît une prise de rôle pour chacun des chanteurs, le premier Orphée dirigé par Jane Glover, et la première mise en scène signée par le jeune Waldemar Kamer !
La réussite de ce spectacle tient à la grande cohérence de l'équipe, entre une direction musicale nerveuse et élégante (avec, en particulier, un grand soin apporté aux récits accompagnés) et une mise en scène intelligente et riche en allusions et symboles, sans que cette érudition nuise jamais à la lisibilité immédiate de l'oeuvre. Ainsi il n'est nul besoin de lire la passionnante notice du programme (qui nous explique le parti pris de faire de la Descente aux Enfers un voyage intérieur) pour être touché par les images fortes, comme la perte d'Eurydice au début, pendant l'ouverture, la découverte de l'ouïe par les ombres grâce au chant d'Orphée, ou la seconde mort d'Eurydice, laissée sur la rive, tandis que la barque s'éloigne, emportant Orphée au loin, désespéré. La beauté des décors et des costumes, dus à Ezio Frigerio et Cordelia Dvorak, et la chorégraphie inventive, tantôt très plastique, tantôt fort humoristique, de Renate Pook, ne sont pas pour rien dans cette réussite.

Thierry Guyenne, janvier 1998

LE MONDE : “soufflant de beauté”

Quand il se faisait critique, Claude Debussy se laissait aller à une subjectivité d'autant plus réjouissante qu'elle s'exprimait dans une langue magnifique. Sa lettre ouverte à Monsieur le chevalier W. Gluck est la démolition d'un compositeur qu'il accuse d'avoir jeté la musique française dans les bras de Wagner. De son côté, Berlioz vénérait celui dont il avait adapté Orphée et Eurydice au contralto de Pauline Viardot, en 1859. La juxtaposition des textes des deux compositeurs dans le programme du Grand Théâtre de Bordeaux est édifiante. (...) On ne discute plus Gluck. On l'interprète. Il n'y a pourtant plus beaucoup de chanteurs pour le servir. Orphée est Rockwell Blake, l'un des rares ténors qui puissent chanter le rôle. Sa technique est extraordinaire, son souffle démesurément long et ses vocalises emportent l'adhésion. Orphée est en scène pendant une heure quinze sur une heure vingt de spectacle, le plus souvent seul. Blake tient admirablement le coup et compense le statisme du livret par une gestuelle née de la musique. Sans être pour autant assimilable à cette gymnastique rythmique que tant de régisseurs nous infligent.

Le metteur en scène, Waldemar Kamer, a su insuffler fluidité et théâtre à cette oeuvre immobile. Il en a élargi les perspectives dramatiques dans un décor et des costumes d'autant plus soufflants de beauté - on y voit la marque du peintre Antonio Pisanello - qu'on les dirait éclairés à la bougie et qu'ils font face à la plus belle salle d'opéra du monde. Mireille Delunsch et Valérie Lecoq ont la présence et les voix de leurs rôles et leur chant émeut vraiment (Berlioz n'a pas tort). L'apparence de Delunsch est troublante; la chanteuse ressemble à Mary Garden, créatrice de Mélisande (Débussy doit écumer de rage). Jane Glover dirige avec art et science, attentive à la fosse autant qu'au plateau, aux équilibres autant qu'à l'émotion.

Alain Lompech, 2 décembre 1997

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